Après un été 2017 basé sur des concertations actives avec les partenaires sociaux, le Gouvernement a été habilité par la loi à prendre, par ordonnances, des mesures pour renforcer le dialogue social. Les ordonnances ont désormais été adoptées en Conseil des ministres le 22 septembre 2017, signées par le Président de la République et sont entrées en vigueur suite à leur publication au Journal Officiel le 23 septembre 2017. La réforme Macron est en marche ! Voici un récapitulatif des changements qui vont intervenir dans les prochains mois.
Les cinq ordonnances du 22 septembre 2017, ne semblent pas avoir déçu. Elles ont été clairement pensées par et pour les entreprises. Deux idées force s’en dégagent. La première, une transformation du dialogue social, sans précédent depuis les lois Auroux de 1982, et construite autour de trois axes. D’abord les ordonnances bouleversent la hiérarchie des normes conventionnelles en conférant à la branche et à l’entreprise des domaines « prioritaires » ou « réservés » et en consacrant encore plus largement la primauté de l’accord d’entreprise. Ensuite, la négociation d’entreprise n’est plus l’apanage des entreprises pourvues de délégué syndical. Dans les entreprises d’au plus 20 salariés sans représentation syndicale et sans élu, l’employeur peut désormais proposer directement à ses salariés un projet d’accord soumis à leur vote. Dans celles de moins de 50 salariés, la primauté du mandatement syndical disparaît : l’employeur peut négocier avec des représentants élus non mandatés sur tous les thèmes relevant du champ de l’entreprise. Enfin, les ordonnances révolutionnent le paysage de la représentation du personnel dans l’entreprise.
A brève échéance, une seule institution, le Comité social et économique (CSE), exercera pleinement les prérogatives dévolues jusque-là aux délégués du personnel et aux membres du comité d’entreprise et du CHSCT. Il pourra même, dans certaines conditions, avoir la capacité de négocier des accords collectifs.
La seconde idée force ? Pragmatisme et efficacité (économique ?) doivent guider les relations de travail. Ainsi, le droit du licenciement est repensé pour favoriser la mobilité sur le marché du travail. La création d’un barème obligatoire des dommages et intérêts dus par l’employeur qui licencie sans cause réelle et sérieuse est censée renforcer la visibilité des risques financiers encourus par ce dernier et, du coup, lever ses craintes à embaucher. Le licenciement économique est reconfiguré avec notamment un recentrage du périmètre d’appréciation de la cause économique, la création de nouveaux modes de rupture autonome (ex. : rupture conventionnelle collective) et celle d’accords collectifs d’entreprise « répondant aux nécessités liées au bon fonctionnement de l’entreprise ». Les formes particulières de travail (télétravail, travail dominical ou de nuit, recours au CDD, à l’intérim ou bien encore au CDI de chantier) sont, elles aussi, assouplies pour répondre au même objectif de fluidité du marché de l’emploi.
Licenciement abusif
25%, C’est l’augmentation des indemnités légales de licenciement
La réforme du Code du travail entend mener une profonde modification des règles concernant le licenciement :
- Emmanuel MACRON souhaite tout d’abord instaurer un plafond encadrant les dommages-intérêts alloués par le juge aux salariés victimes d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ceci aura donc un salarié licencie de façon abusive ;
- Ainsi les employeurs verront le montant des dommages-intérêts, qu’ils doivent verser, encadré par un barème imposé aux juges. L’impact sera donc également important pour les employeurs ;
- Cependant, les indemnités légales de licenciement ne sont, elles, pas plafonnées. Muriel PENICAUD, la Ministre du travail, s’est même engagée à les augmenter (1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ; + 1/3 de mois pour les années à partir de 10 ans) tout en diminuant la condition d’ancienneté pour les toucher (Indemnité légale de licenciement ouverte dès 8 mois d’ancienneté). L’augmentation est entrée en vigueur avec la publication d’un décret au Journal Officiel le 26 août 2017.
- pour sécuriser les relations de travail, la réforme simplifie les règles de formes attachées au licenciement, diminue les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail et met en place des modèles types en guise de lettre de licenciement ;
- il est également question de favoriser la résolution des litiges en amont donc de favoriser la conciliation.
Licenciement économique
Les licenciements économiques font l’objet d’une réforme, notamment concernant le périmètre d’appréciation de la cause économique.
Inaptitude au travail
Pour remédier aux incertitudes générées par la dernière réforme sur l’inaptitude, le gouvernement a recadré l’obligation de reclassement et revu la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude :
Une obligation de reclassement plus restreinte :
- Recherche de reclassement limitée au territoire national ;
- Recherche de reclassement limitée au groupe stricto sensu.
La contestation de l’avis d’(in)aptitude corrigée :
- Suppression de la désignation d’un médecin expert ;
- Contestation toujours limitée aux éléments de nature médicale ;
- Possibilité pour l’employeur de mandater un médecin ;
- Substitution de l’avis d’(in)aptitude initiale par la décision prud’homale.
Accords collectifs
La réforme prévoit également une nouvelle articulation entre la loi, les accords de branche et les accords d’entreprise.
Vous souhaitez en savoir plus sur les modifications apportées par la loi Travail 2017 ? Voici le dossier complet dédié !
Compte pénibilité
Très critiqué pour sa trop grande complexité, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), est rebaptisé « compte professionnel de prévention » (C2P). Le C2P est simplifié par la réforme, avec l’instauration de référentiels pour les différents types d’expositions, et un allègement des obligations de l’employeur concernant la déclaration et la mesure de l’exposition aux risques professionnels.
Travail de nuit
Les entreprises dépourvues d’accord sur le travail de nuit, peuvent tout de même adapter la plage horaire 21H-6H dans certaines limites. Quant aux accords sur le travail de nuit, ils peuvent désormais définir eux-mêmes le caractère exceptionnel pour recourir à cette forme de travail, et ce, avec une présomption de conformité à la loi.
Télétravail
Le télétravail n’est pas précisément encadré par le Code du travail. Ainsi, la réforme clarifie cette pratique, et l’inscrit dans la loi pour permettre de sécuriser à la fois les salariés et les employeurs ayant recours à cette forme de travail.
Institutions représentatives du personnel
Le Gouvernement entend mener à terme une réforme des institutions représentatives du personnel (IRP) :
- pour faciliter les négociations et avoir une vision d’ensemble sur un sujet donné, les ordonnances regroupent les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, en une instance unique de représentation nommée Comité Social et Economique (CSE). Cette instance unique est rendue obligatoire par la réforme ;
- et favoriser le dialogue social dans les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). La loi travail 2017 doit permettre une meilleure représentation des travailleurs dans ces entreprises.
Deux nouvelles instances : le conseil d’entreprise et le représentant de proximité
Nouvelle instance du dialogue social, le conseil d’entreprise est créé de toutes pièces par les ordonnances, tout comme le représentant de proximité. Mis en place par accord collectif, le premier a vocation à intégrer la capacité de négocier des accords d’entreprise et d’établissement. Le périmètre d’attributions du second est beaucoup plus mystérieux…
Le conseil d’entreprise : l’instance unique de dialogue
Une fusion des 4 instances actuelles.
Le conseil d’entreprise est une instance qui a vocation à regrouper les attributions des délégués syndicaux et celles du comité social et économique (le CSE fusionne lui-même les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT).
Ce conseil dispose donc de toutes les compétences du comité social et économique et intègre la fonction de négociation, de conclusion et de révision des accords collectifs d’entreprise ou d’établissement (C. trav., art. L. 2321-1 nouv.). Par exception, le conseil d’entreprise ne peut pas négocier tous les accords collectifs et notamment ceux qui sont soumis à des règles de validité spécifiques.
Le représentant de proximité
L’article L. 2313-7 nouveau prévoit que l’accord de mise en place du CSE peut créer des « représentants de proximité ». Ce nouveau représentant du personnel conventionnel n’est pas défini par le texte. Il est seulement prévu que l’accord d’entreprise précise également :
– le nombre de représentants de proximité ;
– leurs attributions, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ;
– les modalités de leur désignation ;
– leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d’heures de délégation dont ils bénéficient pour l’exercice de leurs attributions
Compétences des personnes mandatées
Les personnes titulaires de mandats représentatifs ou syndicaux voient leurs compétences revalorisées, selon la volonté du Gouvernement :
- les titulaires de mandats syndicaux peuvent acquérir des compétences durant leurs mandats. Pour améliorer leur employabilité et valoriser ces compétences, l’entretien de début de mandat doit devenir obligatoire, et celui de fin de mandat élargi à tous les mandatés ;
- l’absence d’accord sur la valorisation des compétences liées aux mandats syndicaux peuvent alors devenir un critère pour décider de la fusion d’une branche professionnelle avec une autre branche de rattachement qui, elle, dispose d’un tel accord.
Assurance chômage
Même si, a priori, ceci fera l’objet d’une réforme ultérieure, vous pouvez d’ores et déjà être informés sur les modifications qui pourraient intervenir concernant le droit au chômage :
- Emmanuel MACRON a annoncé sa volonté de permettre aux salariés démissionnaires de toucher le chômage, mais seulement une fois tous les 5 ans ;
- il envisage également d’ouvrir le bénéfice de l’assurance chômage aux indépendants.
Les ordonnances ont été adoptées et publiées au Journal officiel le 23 septembre 2017. Elles sont donc entrées en vigueur. Seules les mesures nécessitant un décret d’application seront applicables uniquement à la suite de la publication de ce décret.
Pour ne pas devenir caduques, les ordonnances doivent être ratifiées. La Ministre du travail a ainsi présenté le 27 septembre 2017, en Conseil des ministres, le projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de la loi d’habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social.
De nouveaux modes de rupture du contrat de travail autonomes
Placés dans le code du travail sous une nouvelle section 4 intitulée « Rupture d’un commun accord dans le cadre d’accords collectifs » au chapitre VII du Titre III du Livre II de la première partie du code du travail portant sur les « Autres cas de rupture », la rupture conventionnelle collective fait son entrée dans le code du travail . Ces nouveaux modes de rupture sont autonomes : ils sont exclusifs de l’existence d’un motif économique tel que défini par le code du travail.