Après trois jours intenses dédiés à l’entrepreneuriat, mêlant des dirigeants varois à des jeunes de la région issus des Ecoles de la 2e Chance et de structures partenaires, le Business Game de l’E2C Var (groupe UPV) a choisi des lauréats qui désirent « aller vers »… Une notion qui inverse les process en vigueur et donne de l’élan à la démarche.
« Entourez-vous au mieux, faites émerger une idée, testez-là, osez échouer. Le quotidien d’un chef d’entreprise, c’est aussi régler des problèmes et trouver des solutions », lançait aux jeunes le 6 novembre dernier, à La Garde, Jonathan Noble, parrain du 3e Business Game de l’EC2 Var. Pour illustrer son propos, ce chef d’entreprise précoce (il a créé son concept à 15 ans) et à succès (il rayonne sur le plan national dans la gestion des réseaux sociaux avec Swello) a emprunté ce conseil au conférencier et coach américain Tony Gaskin : « si tu ne construis pas ton propre rêve, quelqu’un t’embauchera pour te faire construire les siens…
Message reçu par les 150 candidats en provenance des E2C de la région, de France Travail, des Missions Locales, de Face Var, de l’Imsat…, qui ont rêvé durant trois jours (6 au 8 novembre) à l’aboutissement de leurs projets, accompagnés par une cinquantaine de coachs. Un événement qui permet une acculturation au monde économique, familiarise avec le travail en équipe, crée du sens commun et offre l’opportunité à certains de se révéler, y compris à eux-mêmes.
Donner de la visibilité
Pour avoir suivi tous ces conseils, mais aussi (et surtout) leur instinct, les lauréats ont été une véritable révélation, à savoir quatre jeunes accompagnés par le dispositif Elan Jeunes 83* porté par l’Imsat (Institut méditerranéen du sport, de l’animation et du tourisme - groupe UPV également) : Samir Ederazi, Hichem Maachi, Rafik Zetioui, Saidi Ahmed-Anass. Quelques semaines après leur victoire, l’échange à la Maison des services publics de leur quartier des Œilllets (Toulon) avec les deux derniers nommés et Lassad Ben Fredj (deuxième à gauche sur la photo du haut), l’adulte relais qui est en contact permanent avec eux dans le cadre d’Elan Jeunes, était passionnant, sous le regard bienveillant de la ville et de la préfecture.
Revenons à la genèse. Suite à une discussion avec Nasser Legheddar, coordinateur à l’Imsat avec lequel il est en contact permanent, Lassad est convaincu par l’idée de faire participer une équipe au Business Game afin de donner plus de visibilité aux jeunes, notamment au regard des nombreux partenaires présents, parmi lesquels des entreprises et des professionnels du monde du travail. Pour ceux qui en cherchent, quasiment tous en l’occurrence, cela peut aider. Tout en déambulant dans le quartier il rassemble l’équipe finale, sans prétention, juste sur le mode : « viens, on va faire un truc sympa… ».
« Je n’avais pas idée de ce qui nous attendait, ni de la forme que cela allait prendre, mais c’était l’occasion d’essayer autre chose », confie-t-il. « Depuis une dizaine d’années, ce n’est pas le top ici pour la jeunesse, la situation s’est dégradée au fil des règlements de compte et des faits divers, l’image aussi forcément, et les amalgames qui vont avec, ternissant plus encore toute perspective d’avenir pour celles et ceux qui y habitent et n’ont rien à se reprocher. Dans ce contexte, nous ressentons un besoin urgent, vital, de faire passer un autre message, de dire qu’en dehors des faits graves évoqués, il y a plus de 80% de bons jeunes qui ont l’envie et la lourde tâche de changer tout cela, de faire rentrer de l’estime en même temps qu’une autre considération ».
Changer de paradigme
Comment ? Par un « aller vers » inversé. Alors que les politiques de la ville proposent des actions dans les quartiers prioritaires, ce sont eux qui veulent s’ouvrir afin de réparer la fracture sociale entre les habitants des cités (quelque 3 000 personnes sur Sainte Musse) et ceux de l’extérieur. Avec « We connect », qui peut être décliné ou traduit par « oui connect », ou « re connect », ou « nous vous connectons », « nous voulons exister par nous-mêmes », plaident Saidi et Rafik, « nous sommes les mieux placés, les plus légitimes aussi, pour parler de nous ».
Pour ce faire, l’outil imaginé et primé au Business Game est une application en quatre axes : un volet actualités, du quartier mais pas que…, un volet événements, dans le quartier mais pas que…, un volet podcasts, sur des réussites, des portraits de gens du quartier mais pas que…, incluant des débats, des rencontres, de la confrontation de partis pris, un coup de boost sur le cercle associatif qui le mérite, et enfin un volet jobs/entraide. Comme son nom l’indique, la partie jobs est consacrée aux offres et demandes d’emplois, en essayant là aussi d’expliquer qu’il ne faut pas avoir peur d’embaucher en QPV, il y a beaucoup de bonnes volontés qui n’aspirent qu’à travailler, qu’à commencer ou poursuivre leur vie professionnelle. La partie entraide est symbolique d’un état d’esprit. « Via l’application, on propose une aide intergénérationnelle dans des domaines variés, pour monter les courses, déménager, faire à manger, assurer la sécurité ou déplacer des barrières lors d’événements dans et hors du quartier. C’est large et c’est un résumé de la solidarité qui est la nôtre tous les jours auprès de nos proches, de nos amis, de nos voisins », expliquent-ils.
Faire confiance
De la mixité d’actions à tous les étages, d’abord mis en œuvre à Sainte Musse, puis déclinable ailleurs, dans d’autres quartiers, histoire de faire tremplin, pourquoi ne pas en rêver ? Pour l’heure, il s’agit de surfer sur cette adversité positive susceptible de faire changer la perception des lieux, à commencer par celle des autorités en charge des politiques d’aides. Le premier défi se situe désormais dans le nouveau mode opératoire qui doit dépasser le succès d’estime et concrétiser les louanges et intentions de soutien des chefs d'entreprise entendues sur le podium du Business Game. Pour réaliser la plate-forme initiale en application mobile, il faut 10 000 euros, pour la faire vivre, il faut des partenaires, pour la faire durer, il faut se faire confiance !
« On se fait confiance d’abord à nous », soutient Lassad, « c’est pour cette raison que la démarche est montante et non plus descendante. L’utilisation de l’application se fera pour 1 euro symbolique et au bon vouloir de chacun. Le but n’est pas lucratif, nous voulons juste entreprendre notre vie et le plus court chemin pour y parvenir est de nous faire connaître ».
L’enjeu dépasse les Œillets, il s’agit d’enlever les œillères…
* Elan Jeunes 83, dispositif d’Etat conduit dans le Var par l’Imsat, touche des personnes ni en emploi, ni en formation, sorties des radars de la société. Il faut les repérer, aller vers elles, remobiliser, accompagner en levant les freins à l’employabilité, former et insérer.
Ce qui importe, ce n’est pas d’arriver, mais d’aller vers
Présentations d’entreprises, de dirigeants, reportages sur des initiatives privées et publiques concourant à l’activité économique, analyses de conjoncture, retours sur des événements.