Le temps de la réflexion est
une économie de temps…
« Le temps de la réflexion est une économie de temps », écrivait le poète latin Syrus. L’UPV n’a pas fait l’économie de son temps de réflexion lors de la venue du président national du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, au cours de son assemblée générale du 17 septembre.
Le Palais du Commerce et de la Mer de Toulon a été le théâtre d’écoute et d’échanges de haut niveau sur l’état de la (des) société(s), devant un parterre assidu de quelque 200 acteurs économiques, politiques aussi, disposés selon les règles en vigueur de distanciation protectrice. Ce qui n’empêche pas la proximité quand les messages touchent. Ceux du président de l’UPV Gérard Cerruti, ont fait mouche d’entrée d’assemblée générale, saluant « la réactivité dès le début de la crise sanitaire de tous ceux qui se sont dépensés sans compter pour pallier les nombreuses difficultés auxquelles les entreprises ont dû faire face ». A commencer, « charité bien ordonnée commençant par soi-même », par le personnel de l’UPV, pour sa mobilisation sans précédent en cellule de crise.
« Nous avons assuré une continuité du service aux entreprises, informations, interventions, conseils, accompagnements avec les équipes économique et juridique, ainsi qu’avec les assistantes sociales et les psychologues, tous mis à contribution ».
Gérard Cerruti, Président de l’Union Patronale du Var
Une solidarité patronale pour les adhérents, élargie aux non adhérents en cette période particulière, renforcée par la réactivité des instances nationales patronales, Medef et Cpme, ainsi que celle de l’Etat pour mettre en place les mesures du gouvernement (chômage partiel, PGE, étalement des charges, dégrèvement, médiation…). Si chacun a pris – prend – toute sa part, y compris dans les changements accélérés du moment ou durables, en particulier s’agissant du télétravail et du numérique, la vie économique a repris – doit reprendre. Le monde d’après se joue maintenant. Pour cela, le plan de relance de l’économie devra être, toujours selon Gérard Cerruti, conjugué à « un triptyque composé du retour de la confiance des consommateurs pour transformer leur épargne en consommation de croissance, de la nécessité d’assurer la solvabilité des entreprises (réorientation des aides publiques en fonds propres, abandon de certaines charges fiscales et sociales), de la maîtrise de l’évolution de la dette publique issue des fonds européens liée à la crise… ».
Pour mieux se réinventer dans un monde qui change, la qualité de vie au travail et le bien-être dans l’entreprise sont plus que jamais d’actualité. Cette thématique du grand salon varois de l’entreprise, Var Up, maintenu au 24 septembre, était d’ailleurs anticipée bien avant les événements de crise…
Cohésions territoriale, sociale,
entrepreneuriale
« Réinventons-nous dans un monde qui change », était la thématique de la conférence de l’économiste prospectiviste Pierre Sabatier, président du cabinet d’études économiques et financières Primeview. Son point de vue principal s’est bien entendu articulé entre relance et renaissance, période oblige, se félicitant de la manière dont chacun a pu gérer le ko monumental subi depuis le printemps, sauvant les ménages et les entreprises. « 10 points de PIB perdus c’est 3 fois plus que la crise de 2007/2008 », et bien plus que tout ce que l’on a connu depuis 80 ans ! Mais attention, met-il en garde, « sauver tout le monde sans différenciation ne peut durer que le temps où nous tombons, pas indéfiniment », au risque de laisser à nos enfants le déficit en fardeau. Plus qu’un plan de relance, il faut un plan de reconstruction prône l’économiste. « Autant on peut se satisfaire de la première partie, autant je suis circonspect sur le plan de relance et sa mission… ». Donc, reconstruire quoi et comment, s’est-il interrogé, pour mieux répondre, essayant de démontrer que la crise accentue l’obsolescence de l’économie d’avant. Des révolutions numérique, environnementale mais également démographique doivent permettre de se réinventer, privilégiant en résumé les cohésions territoriale, sociale, entrepreneuriale. « On ne peut se reconstruire sans vision territoriale », a-t-il expliqué, plaçant le Var dans les 22 territoires gagnants grâce à sa pyramide des âges équilibrée et les moyens de son émancipation déployés ces 20 dernières années. Une politesse qui dépasse les circonstances de sa conférence puisqu’elle est issue de la dernière étude nationale sur le sujet de son cabinet. La cohésion sociale naîtra logiquement de la cohésion territoriale, par la confiance et le développement d’emplois qualifiés, importés et/ou formés sur place, eux-mêmes générateurs d’emplois non qualifiés. La cohésion entrepreneuriale s’inscrivant naturellement dans ce schéma.
« Il faut être précis dans ce que nous sommes et dans ce que nous pouvons espérer être, dans la manière dont on implémente les politiques publiques. Etre courageux aussi »
Pierre Sabatier
a conclu Pierre Sabatier, mettant en exergue les notions de confiance, précision, collectif, solidarité incluses dans son propos et corrélées aux qualités de l’entrepreneur. Une belle passe au patron national du Medef.
L’Etat a fait le job
Il y a 10 ans, lors de sa dernière venue à une assemblée générale de l’UPV, on se demandait déjà si la crise mondiale du moment allait changer ou pas les entreprises, s’est rappelé Geoffroy Roux de Bézieux en préambule, sachant que celle-ci, née en 2008 était financière et plus ou moins déjà vue, tandis que celle que nous vivons, sanitaire, économique et sociale, est inédite. En l’absence de référent historique, difficile de se projeter, a-t-il expliqué, ne cachant pas son scepticisme sur les théories des économistes… « Nous avons très bien tenu le choc durant 3 mois, les Etats ont fait le job et le nôtre en particulier. La vitesse de décision et d’exécution a été déterminante », a souligné le président du Medef, se félicitant des effets bénéfiques des différentes mesures, prêt garantis de l’Etat, chômage partiel entre autres, sur le pouvoir d’achat, les emplois et les compétences. Il suppose même que « l’Etat a fait une bonne affaire en donnant une épargne de précaution aux entreprises avec le PGE, soit 130 milliards prêtés par les banques qui ont été formidables. D’une part on constate moins de défaillances d’entreprises à fin août 2020 qu’à fin août 2019. D’autre part, contrairement à ce que l’on entend je pense que l’essentiel de ce PGE va être remboursé à la date anniversaire d’avril. A fin août toujours, 70% n’auraient pas été consommés par les entreprises… ». Un filet de protection qu’il conseille de rembourser par anticipation. Cela étant, l’Etat aura touché au moins 0,25% sur les prêts. Une bonne affaire à laquelle il faut ajouter la sauvegarde de la consommation. Le plan de relance du gouvernement est arrivé dans son propos par la voie de l’aléa moral, reproche entendu sur la gauche de l’échiquier politique. Si l’on considère les 100 milliards du plan, 50 sont dédiés aux entreprises, une partie aux ménages, une partie aux collectivités.
« Sur le plan de la morale, il est logique que l’Etat nous aide à repartir puisque c’est lui qui a pris la décision de nous arrêter… Le plan aussi se révèlera comme une bonne affaire, car des entreprises en bonne santé c’est bon pour l’économie ». Et bon pour le… moral, aurait-il pu ajouter. Entre autres remarques sur le plan, il a fait part de ses inquiétudes vis-à-vis de la jeunesse, encourageant les chefs d’entreprises à prendre des apprentis autant que possible, soutenus par les aides du gouvernement. Inquiétudes aussi concernant le système de guichet sur le volet verdissement de l’économie :
« je crains qu’il n’y ait pas assez de projets et pas de quoi nourrir cette ambition. La plupart des PME ont l’eau au ras de la narine et peinent à garder la tête à la surface… ».
Geoffroy Roux de Bézieux
Responsabilité sociétale de l’entreprise
Alors, quid du monde
d’après ? « Je n’aime pas trop l’idée de reconstruire en éradiquant
le passé. On reconstruit en fait sur ce que l’on a construit depuis des
décennies ». En prenant conscience de nos manques aussi, que la crise
sanitaire a mis en évidence de façon dramatique : pas de masque, de test,
de respirateur, de paracétamol… « Il est nécessaire de retrouver nos
souverainetés, en y réfléchissant collectivement », a-t-il revendiqué,
poussant la porte d’une approche géostratégique consistant aussi à se battre à
armes égales pour vendre des pneus durablement et avec rentabilité. Un débat de
fond, complexe, à ne pas traiter sous l’émotion, faisant entrer dans le jeu un
protectionnisme européen, ou pas…Ce monde nouveau sera-t-il télétravaillé ?
« Nous sommes favorables à la négociation dans les entreprises, non pas de manière générique. Seuls 27% des postes sont compatibles, et bien évidemment pas dans toutes les entreprises. Il y a une différence évidente entre une société de BTP et une startup… ».
S’agissant de cohésion sociale,
le président Roux de Bézieux a évoqué « le million d’emplois créé entre
janvier 2014 et janvier 2019, dont 80% dans les métropoles. Les entreprises et
les emplois se situent principalement là où il y a des cerveaux et des études
supérieures. Plutôt qu’un Commissariat au plan, on devrait relancer la Datar
(ex-Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité
régionale) ».
Enfin, quant aux changements
fondamentaux dans le monde entrepreneurial depuis 10 ans, entre ses deux
visites aux assemblées générales de l’UPV, le président du Medef a évoqué en
aparté deux faits majeurs. « La montée en puissance de la responsabilité
sociétale de l’entreprise est indéniable. Même si le profit reste la condition
sine qua none de la survie de l’entreprise, ce n’est pas – plus –
suffisant ». En outre, « il n’y a plus un patron qui soit
climatosceptique, tout le monde s’est engagé dans une transition
écologique ! ».
Se réinventer dans un monde qui change ne serait-il pas en définitive consubstantiel à l’entrepreneuriat, revisitant quelque part en permanence cette fulgurance de l’historien Georges Duby pour qui « la boucle du temps va du présent vers le passé pour produire le futur » ?
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