L’élection à la présidence du Centre Français de Promotion Lyrique (CFPL) de Jérôme Gay, co-directeur artistique et directeur adjoint de l’Opéra de Toulon depuis 2006 aux côtés de Claude-Henri Bonnet, est une reconnaissance nationale de haut niveau. L’offre culturelle métropolitaine dans son ensemble est ainsi mise sur le devant de la scène.
Var entreprises : Jérôme Gay, félicitations pour cette belle confiance de vos pairs dans l’hexagone. Présentez-nous ce CFPL que vous présidez désormais.
Jérôme Gay : « Il s’agit d’une association presque cinquantenaire, créée en 1972 autour de deux missions principales au sein des réseaux nationaux de musique classique. D’une part, elle assure la promotion de jeunes artistes lyriques à leur sortie du conservatoire. C’est toujours pour eux une phase délicate de découverte de la vie professionnelle, avec de l’inquiétude et peu de visibilité. Nous essayons par conséquent de les rendre visibles, d’accélérer leur accessibilité, leur employabilité. En l’occurrence pour une vingtaine d’entre eux tous les ans, les meilleurs. Nous sommes sur ce plan à l’origine du concours international des « Voix Nouvelles », d’où sont issus des grands noms comme Natalie Dessay. D’autre part, nous créons des synergies entre les maisons d’opéra en facilitant les co-productions, ce qui est beaucoup plus rare qu’au théâtre. Le CFPL est un facilitateur en la matière, jusqu’à associer de nombreux partenaires, alors qu’en règle générale lorsqu’il y en trois c’est le bout du monde. Cette année, nous faisons ainsi tourner « Le voyage dans la lune » d’Offenbach, qui avait été préparé pour les 50 ans du premier homme sur la lune en 2019. 15 « maisons » sont impliquées, partageant les coûts, effectuant une soixantaine de levers de rideaux, ce qui bénéficie d’ailleurs à la qualité du spectacle. Lequel peut ainsi se rôder et se bonifier. Une production qui viendra à Toulon pour la saison 2022/2023 (NDLR : en décalage par rapport à la programmation initiale contrariée par la crise Covid). Cela a un sens artistique et en même temps un sens économique sur un spectacle à 450 000 euros… ».
Var entreprises : Comment devient-on président de cette institution ?
Jérôme Gay : « Je suis membre de son conseil d’administration depuis 10 ans. Le CFPL était présidé depuis un quart de siècle par un « monstre sacré » de l’art lyrique, Raymond Duffaut (NDLR : ex-président des Chorégies d’Orange, entre autres fonctions). Atteint par la limite d’âge, il a décidé de passer la main. Mes pairs m’ont élu sur la base d’un projet, d’une équipe, d’une ligne éditoriale à décliner collectivement, de mon expérience aussi. Dans les grandes lignes de ma feuille de route, nous gardons bien évidemment les fondamentaux du Centre, avec annuellement les organisations d’auditions et une co-production nationale, tout en initiant de nouveaux types de productions, pour les petits comme pour les grands lieux d’accueil. Le public lyrique est univore, dans l’entre-soi du lyrique. Il faut créer de la diversité pour capter d’autres personnes intéressées par la culture, se déplacer vers d’autres scènes nationales mais aussi de plus petits formats, amener la musique classique dans des théâtres où elle n’est pas encore présente, ou très peu. Cela élargit le public sans rien enlever aux habitués. Toulon peut d’ailleurs s’enorgueillir d’avoir cette dimension lyrique qui est généralement réservée aux capitales et qui contribue à l’attractivité de son territoire. En outre, je souhaite m’investir sur la question d’égalité homme/femme dans le monde de la culture et de la musique classique. A ce propos, l’Opéra de Toulon montre aussi l’exemple puisque nous avons nommé dernièrement deux chefs d’orchestre internationaux, une femme pour le symphonique, Marzena Diakun, et un homme pour le lyrique, Valerio Galli. Ils prendront leurs fonctions en septembre ».
Apport artistique et économique
Var entreprises : A travers vous, c’est la récompense du travail artistique mené à l’Opéra de Toulon justement, dont le rayonnement est soutenu activement par le Club Orféo des entreprises mécènes, créé avec l’Union Patronale du Var, conduit avec implication également par Régis Vian des Rives, directeur délégué au développement. Cela constitue un apport important du monde économique que vous appréciez et appelez à nouveau de vos vœux.
Jérôme Gay : « Tout à fait. C’est la récompense de ce travail artistique appuyé par le monde économique qui élargit le champ des possibles, la récompense de l’audace des choix effectués également, portés par la recherche de l’excellence, sans être people. Nous avons prouvé que l’on pouvait se passer d’une programmation démagogique et rencontrer le succès. Le travail paie, dans la profondeur et la longueur. Nous « piochons » bien entendu tous les ans dans le grand répertoire, mais pas seulement, nous éveillons la curiosité sur des œuvres moins connues, nous ajoutons une dimension éclectique. Notre ouverture aux comédies musicales co-produites et largement aidées par le mécénat via le Club Orfeo est une réussite qui a révélé un potentiel d’immédiateté dans l’adhésion. Il importe beaucoup que cela continue malgré les difficultés engendrées par la crise. L’une des valeurs ajoutées de ma présidence pour notre établissement est d’être au cœur d’un réseau qui permettra de mieux collaborer avec les autres. Cela place plus encore Toulon sur la carte du lyrique ».
Var entreprises : Sinon, comment va l’Opéra de Toulon dans cette période perturbée ?
Jérôme Gay : « Malgré la crise Covid qui a bouleversé la vie en société, interrompant notamment les manifestations d’art vivant, les soutiens fidèles et forts de la Métropole Toulon Provence Méditerranée et du Département du Var ont été précieux. Cela préserve notre existence et permet de se projeter. C’est une chance que nous apprécions. Nos collectivités ont été exemplaires, au même titre que dans le reste de la France la culture a été sauvée par les financements publics. En qualité de membre du bureaux du Syndicat patronal des forces musicales (NDLR : regroupant la Chambre professionnelle des directions d’opéra et le Syndicat national des orchestres et théâtres lyriques en France), j’ai pu constater et me réjouir de cette exemplarité nationale dans l’adversité ».
Repères
Opéra de Toulon
Président : Yann Tainguy Directeur général et artistique : Claude Henri-Bonnet Directeur adjoint et co-directeur artistique : Jérôme Gay Directeur délégué au développement et au mécénat : Régis Vian des Rives
Boulevard de Strasbourg 83000 Toulon 04 94 93 03 76 Mail : contact@operadetoulon.fr https://www.operadetoulon.fr