Marché du travail : le grand chambardement. Pour ses 12e Rencontres de la Construction, la Fédération du BTP du Var n’a pas hésité à déconstruire les idées reçues, ou dépassées, pour mieux bâtir l’avenir. Très impliquée sur le marché du travail et de l’insertion, l’Union Patronale du Var a souvent été citée dans les débats.
Alors que tous les secteurs d’activité sont en tension sur l’emploi et que le marché du travail est en pleine évolution, piquant sa propre crise d’après-Covid, la Fédération du BTP du Var a consacré le 3 juillet ses Rencontres de la Construction, 12e édition, aux ressources humaines, sur fond de risque de pénurie. Dans le joli cadre bucolique du domaine de la Font du Broc, aux Arcs, devant une assistance fournie de chefs d’entreprises et décideurs, il s’agissait de passer en revue les problématiques afin de mieux les surmonter.
Un sujet « protéiforme et difficile à cadrer », selon le président Jean-Jacques Castillon, mais qui a « ceci de particulier qu’il est commun à toutes les activités économiques. On voit bien actuellement que toutes les branches vivent les mêmes paradoxes, rencontrent les mêmes problèmes et se posent les mêmes questions. Le manque de main d’œuvre qualifiée et motivée pénalise l’activité de nos entreprises et bloque leur développement. Tout le monde peut comprendre la frustration de laisser filer une commande ou de ne pas candidater à un marché par manque de capacité de production. Chacun peut comprendre la quadrature du cercle pour le dirigeant qui propose un CDI à un intérimaire qui le refuse. Puis, ce même chef d’entreprise se verra reprocher le recours trop fréquent à de la main d’œuvre intérimaire par l’inspection du travail ou bien affichera un taux d’intérim trop important pour prétendre à une qualification. On lui conseillera alors benoîtement de recruter ! Bref, de quoi vous rendre fou ! ».
Panne de sens
Pour (re)trouver la raison, une bonne analyse des causes ne fait pas de mal, comme celle de Romain Bendavid, directeur de l’Expertise Corporate & Work Expérience, Département Opinion à l’IFOP, Institut français d’opinion publique, auteur d’ouvrages et de travaux divers à la Fondation Jean Jaurès, interrogé par le secrétaire général de la Fédération, Cyril Bolliet, monsieur loyal des débats. D’autant que les paradoxes ne manquent pas, dans un pays où le taux de chômage est redescendu à 7,2% malgré l’adversité, mais où le CDI n’attire(rait) plus, où le besoin de main d’œuvre qualifiée est accentué par les derniers départs en retraite de la génération du baby boom devenue papy boom, mais où la quête de sens et la recherche d’entreprises à mission mettent à mal le salariat, où les marchés de travaux restent importants, mais risquent de ne pas être honorer faute d’effectifs… Le constat est clair, le travail en France a perdu sa centralité, passant, en termes d’importance dans la vie, de 60% en 1990 à 21% en 2022.
Cette perte sèche de considération est assortie dans les sondages du désir de gagner moins mais d’avoir plus de temps libre, sachant que d’autres enquêtes mettent en exergue le sentiment de perte de pouvoir d’achat ou de faible redistribution. En fait, la fatigue se fait sentir dans la société et se traduit par une baisse sensible de motivation. Une panne de sens que d’aucuns essaient de retrouver par l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Cela étant, globalement les trois quarts des salariés sont satisfaits de l’être, mais la lente dégradation d’année en année de l’épanouissement dans le travail rend plus nécessaire la vigilance, la modernité, l’écoute des aspirations, surtout quand elle assortie d’un coup de vieux dans la culture managériale.
Nouvelles essences
Parmi les nouvelles approches étayées en débat, les recettes du marketing appliquées aux ressources humaines, pour les conserver ou les recruter, ont été expliquées par Franck La Pinta, dirigeant de la société toulonnaise Hyperlien, de même que les prestations de la DDETS (Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités), par la déléguée à l’accompagnement des reconversions professionnelles, Claire Miguet. Laquelle a évoqué nombre d’outils, de diagnostic, d’appui à l’anticipation des mutations, de formation, ou encore une application numérique opérationnelle de l’ensemble des offres de services auxquels ont droit les chefs d’entreprises, développée avec l’Union Patronale du Var.
L’UPV était à nouveau en première ligne à la faveur du témoignage de Samir Hadji, chargé des relations entreprises à l’Ecole de la 2e Chance du Var, à propos du travail de fond effectué sur le marché caché de l’emploi, auprès de publics de 16 à 25 ans le plus souvent sortis des radars classiques de l’écosystème. L’E2C et la Fédération du BTP réfléchissent à une « Prépa BTP » qui sera lancée à l’automne pour un démarrage début 2024, en forme de SAS d’accompagnement pour les jeunes et de SAS de recrutement pour les entreprises. Lesquelles ont été appelées à se manifester pour que l’alternance constitue une vraie alternative.
Sur le front de l’insertion, la Maison de l’Emploi de la Métropole TPM essaie également « Recruter autrement », intitulé de son nouveau service déployé par Aline Caturegli, ex-dirigeantes du BTP. La MDE étant impliquée dans le projet Var Insertion Travail du Département au profit des allocataires du RSA, avec Pôle Emploi, la CAF, l’UPV.
Sens de la marque
De solutions RH, il en a aussi été question à travers la marque employeur en filigrane de nombre de propos, et sur laquelle la RSE agit comme un levier puissant. Jean-Jacques Castillon, au nom de la Fédération varoise, relayé par Antoine Gonzalez pour la section TP, et Nathalie Catalano, cheffe de file de cette responsabilité sociétale des entreprises à cette même Fédération, ont pris, au-delà de leurs engagements militants, leurs casquettes d’employeurs pour dire comment on peut soigner l’image de leur marque, par des comportements vertueux, par la qualité de vie et des conditions de travail, par l’ancrage local, par l’égalité femmes/hommes aussi… Virginie Fernandez, de la Fédération Régionale du Bâtiment Paca, a pour sa part précisé en quoi la RSE participe à la valeur ajoutée de l’entreprise, pour mieux la différencier également, en l’occurrence sur des critères corrélés aux aspirations de la jeunesse.
Quitte à ce qu’elle se passe, et considérant le temps que l’on y consacre au travail dans une vie, autant que cela soit en s’épanouissant. Dans des entreprises du BTP et d’ailleurs.