Décrétée en haut lieu « grande cause nationale 2025 », la santé mentale est au quotidien et de longue date en première ligne de préoccupation des psychologues du travail et assistantes sociales de l’UPV, auprès des salariés et des dirigeants.
Julia Terranova, Clara Semenzato, toutes deux psychologues du travail au sein du service Enosys de l’Union Patronale du Var, et Cécilia Cuvillier, neuropsychologue clinicienne libérale intervenant au sein des établissements de formation et d’insertion du groupe (E2C, Imsat) se réjouissent de la grande cause nationale 2025 consacrée à la santé mentale au regard de la croissance exponentielle des besoins. Dans leur approche visant par la pédagogie à faire prendre conscience des problématiques, toutes trois partent de la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé qui, dans le préambule de sa constitution, définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Une vie satisfaisante et engagée, pleine de sens, y contribue largement. Ainsi, pour l’OMS toujours, la santé mentale est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ».
Autopsie d’une détérioration
Laquelle santé mentale est déterminée par de nombreux facteurs : socio-économiques, biologiques et environnementaux, dont l’univers de travail qui est un déterminant important. Une personne peut agir selon son plein potentiel si on la met dans de bonnes dispositions, si elle se sent aussi épanouie. C’est le pendant de la santé physique. Or, si celle-ci semble acquise s’agissant de prendre soin (ou pas) de son corps dans une logique de maintien en forme, la santé mentale est négligée, à tort. Sa dégradation est la cause d’un arrêt de travail sur deux, ce qui est considérable et considéré comme le premier poste de dépense de santé en France, soit quelque 170 milliards d’euros, dont 126 milliards de perte de productivité dans les entreprises. Les conséquences humaines sont doublées d’un impact économique et social majeur. En termes d’épanouissement, le caractère « très important » du travail s’est effondré en 30 ans, passant de 60% en 1992 à 21% en 2022 selon l’Ifop.
Pourquoi une telle détérioration ? « C’est le revers de la médaille des impératifs de performances, de qualité, de pression concurrentielle, qui sont montés en puissance ces dernières décennies », évoque Cécilia Cuvillier (à gauche sur la photo). « Cela s’est traduit de façon spectaculaire par la crise des suicides chez France Télécom à la fin de la décennie 2000 » (35 suicides liés au stress consécutivement à la réorganisation dans un contexte d’ouverture à la concurrence). « Il y a aujourd’hui un climat social global dégradé, accentué par les réseaux sociaux, qui nécessite une analyse fonctionnelle sur la façon de vivre. Tout peut jouer », affine Clara Semenzato (à droite sur la photo). « C’est la crise du lien et du réseau. La Covid a eu un effet accélérateur, voire déclencheur. Les gens ont été isolés et lors du retour au travail la notion d’entraide et de coopération en a pris un coup », renchérit Julia Terranova (au centre sur la photo). Le tout sur fond de précarité financière, d’inflation, de guerres à nos portes, d’insécurité environnementale et plus récemment de déstabilisation politique. Espérée solidaire et de renouveau, la période post-Covid s’est avérée mortifère pour tous, surtout pour les jeunes générations qui commencent à entrer en activité professionnelle. La dépression, l’anxiété et les troubles du comportement sont parmi les principales causes de morbidité et de handicap chez les adolescents (15% de la charge mondiale en la matière chez les 10-19 ans). Le suicide est la troisième cause de décès chez les 15-29 ans !
Compétence spécifique
En France, le législateur s’est emparé du sujet à la faveur de la loi Santé du 2 août 2021 (entrée en vigueur le 31 mars 2022) instaurant la Qualité de vie et de conditions de travail, sous l’intitulé QVCT, ajoutant à l’obligation de démarche ad hoc selon la taille de l’entreprise les « conditions » de la réussite, alors que la notion de QVT était surtout suggérée depuis une dizaine d’années. La même loi instituant la prise en considération, en charge aussi, par la médecine du travail de la santé des dirigeants, et plus seulement celle des salariés.
Cela n’est pas le fruit du hasard. Cela n’est pas non plus une inconnue pour le service social de l’UPV, première union patronale de France, historiquement et s’agissant de la représentativité, fondée en 1937 sur le social et la santé au travail, justement. Sous la conduite d’Isabelle Innocenti, les assistantes sociales balaient un large spectre de solutions auprès des salariés et employeurs, tandis que les psychologues amènent nombre de réponses, collectives et individuelles, par le dialogue, l’écoute, la contextualisation, la confidentialité et la neutralité. Parmi leur valeur ajoutée, un accompagnement sur la santé mentale pour laquelle elles ont, avec les psychiatres, une compétence préférentielle de mise en œuvre enrichie par leur socle de connaissances scientifiques. Dans le maquis des « coachs » en bien-être, les professionnelles de l’UPV prônent à ce propos un encadrement des thérapies complémentaires.
« S’agissant de la prévention des RPS, risques psychosociaux, les signes sont détectables en fonction d’indicateurs précis, multiples, que nous savons décrypter, analyser puis expliquer aux personnes concernées, mais aussi aux managers et dirigeants avec lesquels nous sommes en prise directe et qui sont en recherche de compréhension des mutations actuelles », soulignent-elles de concert. Au niveau des jeunes de l’Ecole de la 2e Chance, comme dans les entreprises, petites, moyennes et grands groupes, leurs interventions se multiplient au regard des besoins, d’autant qu’il manque dramatiquement de structures médicales dédiées à la santé mentale. C’est même un désastre compte tenu de l’expansion des demandes ces dernières années.
Psychoéducation en prévention primaire
Porter la bonne parole dans le monde du travail par de la psychoéducation, y compris pour déconstruire la fausse appréhension des troubles psychiques et mentaux, par des actions de terrain favorisant le repérage précoce et la prise en considération de toutes les dimensions de la vie des personnes (formation, emploi, logement, situation familiale, loisirs…), sont au cœur de la prévention primaire que porte l’UPV dans le cadre de cette grande cause nationale. Avec « un coup d’avance » puisque dès le printemps 2024 le syndicat patronal a publié avec la maison d’édition du groupe Charlemagne (capculture) un livre blanc national sur la « QVCT de A à Z, ou le bien-être à la lettre », remis par sa présidente, Véronique Maurel, à la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et de la Famille, Catherine Vautrin, et présenté dans les territoires à la faveur d’un cycle de conférences.
L’objet de la psychologie est de nous donner une idée tout autre des choses que nous connaissons le mieux
QVT, santé, RSE, économie circulaire, culture…, autant de sujets potentiels, aux côtés de l’actualité d’Enosys, service UPV d’assistantes sociales et de psychologues du travail.