Chef d’entreprise familiale dans le secteur de l’immobilier à Toulon, engagé dans la vie publique au bureau de l’Union Patronale du Var et au tribunal de Commerce de Toulon, Pierre Grech est un observateur éclairé de l’économie. L’analyse critique de la situation en France de ce « PMiste » convaincu est convaincante.
Depuis la lecture de la « une » d’un journal titrant « Le Président de la Startup Nation », au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, Pierre Grech attendait la suite avec une certaine impatience, et le retour à la réalité au tournant, craignant une rapide sortie de route de l’économie virtuelle. Un peu vexé au passage d’être quelque part ringardisé, en ardent défenseur des PME, à commencer par celle de son grand-père et de son père qu’il perpétue à sa façon, tout arborant fièrement sur l’enseigne « maison » leur nom de famille, Grech Immobilier. Une tradition qui crée l’obligation de bien se tenir et à laquelle il tient, justement.
Il y avait à l’époque, pas si lointaine et « en même temps » presque dans un autre monde au regard des bouleversement depuis, entre la crise Covid et le retour de guerres à nos portes, « beaucoup de promesses sur la digitalisation, de liquidité aussi de la part des investisseurs sur des projets », se souvient Pierre Grech. « L’économie était prospère, les PME rayonnantes, et, sur le plan international, un effet « Startup Nation » incarné par la Silicon Valley aux Etats-Unis ou par Israël ». Entre cette photographie et notre situation aujourd’hui, ce dirigeant constate le gap, pour ne pas dire le gouffre, et le mesure sur le terrain en siégeant au tribunal de Commerce de Toulon, à travers la mauvaise santé globale des entreprises locales (comme sur le plan national), et les besoins majeurs en trésorerie, quelle que soit leur taille.
Remettre l’église au milieu du village
« Nous ne sommes pas devenus une place internationale de startups, ni un pays dans lequel, par effet d’innovation des pans entiers de l’économie ont généré une Silicon à la Française, pour la simple raison que la croyance était fausse et inadaptée à ce que nous sommes ». Pourquoi ne pas s’être affirmé d’emblée comme une nation de PME ? S’interroge-t-il, pour mieux y répondre. « La France n’est pas le CAC 40, les PME (y compris les TPE) représentent environ 99,9 % des entreprises et 68% des emplois du secteur privé. Ce sont nous qui faisons l’économie. Nous participons largement au budget du pays, aux ressources de la protection sociale (à hauteur de 54%), de la sécurité sociale (40%). Le socle, c’est la masse de PME et les politiques ne prennent pas soin de cela. Il est temps de remettre l’église au milieu du village. Les entreprises qui se goinfrent d’argent public et font des bénéfices record ne sont pas les PME, loin de là et loin des parachutes dorés, des doublements ou triplements de dividendes conjointement à des licenciements. Arrêtons les amalgames », plaide Pierre Grech.
Au-delà des politiques, c’est en fait la société dans son ensemble qui n’est pas éduquée à faire la différence entre des grands patrons qui mettent des énormes capitaux en jeu et ne sont pas forcément des entrepreneurs, et des chefs d’entreprise de TPE et PME, d’ETI aussi, qui sont au contact direct des salariés, des fournisseurs, des difficultés, qui nourrissent des familles et s’inquiètent pour elles. La PME n’est pas ou peu enseignée à l’école et dans les universités, pas ou peu évoquée sur les plateaux de télévision où les commentaires se succèdent d’experts qui se contentent souvent, avec force de conviction, de clichés du chic parisien…
Les racines du mal
Mais, quelles sont les racines du mal ? « La France a une non-culture économique et une non-culture entrepreneuriale. Nous aimons planifier et maîtriser, ce qui est contraire à l’esprit libéral qui gouverne chez les entrepreneurs, tandis que l’administration prend de plus en plus un poids très (trop) important par rapport au monde du privé. Quant aux responsables politiques, ils sont majoritairement issus de la sphère publique. Volontairement ou inconsciemment, il y a une forme de protection du système, une caste auto protectrice pourrait-on dire. C’est un état omnipotent. Au final, il y a plus de personnes pour gérer la richesse que pour la produire, avec souvent la croyance ancienne et erronée que les acteurs économiques ne sont pas vertueux. Cela ne peut pas (plus) durer ! Cela fausse le système. On collecte beaucoup de richesses, mais on ne s’en sert pas à bon escient sur une réelle solidarité. Les limites de l’Etat se voient dans l’immobilier que je connais bien. On parle logement, transition écologique, sans véritable stratégie d’aménagement du territoire et en laissant le marché s’autoréguler. En période de crise, cela est dangereux, la pénurie s’installe, la crise aussi, et les plus faibles en pâtissent. Les racines du mal ont poussé sur beaucoup de lâchetés successives dans le refus de réformer en profondeur, d’arrêter le désastre des comptes publics, du coût caché de l’administration. Tout cela et bien d’autres incohérences au plus haut niveau empêchent de gagner les points de productivité dont nous avons besoin. On a levé systématiquement depuis des années, des décennies, toujours plus d’impôts plutôt que de mieux dépenser. Du coup, aujourd’hui, les marges de manœuvre sont considérablement réduites pour faire les réformes qui s’imposent plus que jamais. D’autant que la limite de la levée d’impôts est atteinte ! ».
La résilience n’est pas secondaire
Un regard sévère mais réaliste de la part de Pierre Grech qui, de son poste d’observation de l’économie, tout en étant actif et engagé, ne voit pas de remède à court terme, penchant plutôt pour une planification des économies à l’horizon 2030, à commencer par une trajectoire de réduction des dépenses publiques étatiques, une fiscalité plus avantageuse et un effort particulier sur les cotisations des petites entreprises. « Cela permettrait une meilleure santé économique pour celles et ceux qui sont sur le terrain, ouvrant de nouveaux champs d’espérance. Les entrepreneurs Français sont très résilients, ont l’habitude de naviguer en vent contraire, de résister pour mieux se relever, animés par la passion. L’adversité fédère les classes et nous avons besoin justement d’être rassemblés pour réussir, entre chefs d’entreprise via nos syndicats comme l’Union Patronale du Var, le MEDEF, la CPME, mais aussi, bien évidemment, avec nos salariés ».
L’espérance est un risque à courir, pour tout le monde !
Retrouvez l’analyse complète de Pierre Grech en cliquant sur ce lien.