Frédéric Soulié érige le partage en richesse du cœur

Directeur général de Someca et président de l’Unicem Paca Corse, Frédéric Soulié trace sa route les pieds tanqués dans ses racines et le souci des autres chevillé au corps. De belles valeurs pour faire… carrière.
« Qu'est-ce que l'idéal ? C'est l'épanouissement de l'âme humaine. Qu'est-ce que l'âme humaine ? C'est la plus haute fleur de la nature ». Cette citation de Jean Jaurès colle parfaitement à Frédéric Soulié, un enfant du même pays Tarnais, mais plutôt côté Albi, à Saint-André exactement. Toujours précis sur les lieux et les dates, le directeur général de Someca, Société Méridionale de Carrières, leader des granulats dans le Var, également président de l’Unicem Paca Corse (Union nationale des industries de carrières et matériaux).
A la ferme, il côtoie la dureté des exploitations agricoles. Conjointement, il fait son apprentissage de la vie en société, avec un grand-père paternel maire du village durant 38 ans, très engagé à sa gauche, et, côté branche maternelle, une fréquentation assidue de l’église. Compte tenu de sa naissance en 1968, l’époque est plus tardive que celle de Don Camillo et Peppone, personnages de fiction de l’Italie de l’après seconde guerre mondiale, mais l’analogie le fait sourire. Cela reflète bien en revanche les repères de la France d’il y a un demi-siècle, avant qu’on ne les perde.
Ce qui n’est pas le cas de Frédéric Soulié, attaché à ses valeurs nées de l’éducation et de ses origines rurales : « le territoire, le travail, voire le labeur, la simplicité ». Un épicurien qui privilégie l’échange autour d’un verre, des petits fromages et de la bonne charcuterie. Et s’il l’on parle rugby, son fil rouge partout, en tant que joueur, éducateur ou dirigeant, alors la vie est belle, ou plutôt l’essai est transformé. « C’est un engagement fédérateur qui apprend le respect des autres », revendique-t-il.
Baptême du feu…
Très attaché à la famille, il suit des études à Albi, puis Toulouse, avec un objectif précis en tête, entrer le plus vite possible dans le vie active et être autonome. Grâce à sa mère, qui travaille à la DDE, il se retrouve en relation avec Colas pour un stage dans le cadre de son DEUST de gestion. Le 15 juin 1989, chez Colas Albi, il commence à assister le comptable, plus âgé que lui de deux ans à peine, et prend même les rênes lorsque celui-ci s’absente une semaine. « La semaine, justement, au cours de laquelle vient en visite le DRH du groupe en Méditerranée et Corse, qui m’interroge sur ma mobilité et avec qui j’échange. S’en suit une première mission à Forcalquier, près de Manosque, avec mon épouse Sophie, au cours de laquelle je redresse en 6 mois une situation difficile, faisant notamment rentrer une année de chiffre d’affaires dehors... Tu fais ton service militaire et tu reviens vite, me dit-on alors ! ».
Deux mois avant la fin de celui-ci, effectué à Caylus, dans le Tarn et Garonne, tout en jouant au rugby le dimanche à Albi, on lui propose Ajaccio. Il finit l’armée le 6 janvier 1991 et débarque le 8 janvier avec sa « 104 Z », soyons précis... Il a 23 ans. Sur place, Colas est associé à 50/50 avec un Corse de 20 ans d’expérience de plus que lui. Il faut gérer une carrière, une centrale à béton, un préfabriqué et un… incendie dans les 10 jours. Plus de bureau ! « J’ai compris pourquoi tout le monde refusait le poste. Je monte alors une installation de fortune et mets tout le monde au travail intense durant 6 mois. 80% des clients sont venus avec les bons de livraison et les doubles des documents brûlés ! ». Un baptême du feu, c’est le cas de le dire, extraordinaire, durant lequel, dans l'adversité, le benjamin de la boîte montre son tempérament de battant, gagne en légitimité, en respect et une sacrée maturité. Sans oublier une belle reconnaissance dans l’équipe Corse de rugby et un surnom, « Scarpe », traduction italienne de soulier...
Il reste 4 ans, refuse la direction de Colas en Corse, et cède à l’appel du continent, à moins que cela soit à l’envie de son épouse… 3 années à Tourrettes, dont une période compliquée professionnellement à la suite de licenciements de crise, mais heureuse personnellement avec l’arrivée dans la famille d’Eva, puis 3 années encore à Marseille comme adjoint au directeur régional de Colas, finissent de l’étoffer, tandis que Thomas naît en 1999.
Vision à 360°
Alors que le groupe est en discussion de partenariat avec la famille Garrassin qui a des gros besoins financiers, il se retrouve, âgé de 31 ans, à Brignoles à co-signer tous les règlements de factures avec le patriarche Maurice Garrassin, de 42 ans son aîné. « Cela a été très dur, mais très formateur, assorti d’une belle reconnaissance. Alors que l’entreprise perdait de l’argent, un an après on en gagnait. Cela aide. Je pensais rester 3/4 ans et puis poursuivre mon chemin ailleurs. J’ai été directeur administratif et financier, détaché par Colas chez Someca, dans le cadre du nouvel actionnariat (composé aussi de Cemex et de l'historique Sotem). C’était génial de pouvoir mettre en place une vraie politique sociale, avec une grille de salaires juste et une harmonisation dans la prise en considération des salariés. Non seulement cela s’est appliqué chez Someca et sa centaine de personnes, mais aussi dans toutes les autres sociétés du groupe, touchant plus de 250 employés. Le tout en restant dans l’esprit de Maurice Garrassin, à savoir garder les gens, ne rien sous-traiter. Ce n’était certes pas un gestionnaire, mais un visionnaire, un grand capitaine d’industrie ».
Il se prend au jeu, refuse en 2006 de réintégrer Colas, devient salarié de Someca sur demande interne, puis directeur général en 2013. Ayant déjà mis sa patte sur l’économique et le social, ce « financier commerçant », comme il aime se définir, a ajouté l’environnemental, pour une vision à 360°, ainsi que ses « fondamentaux ». Ce qui est plus facile quand on a les mains libres. Il avait semé l’orientation un an avant par la création de la fondation Someca, présidée par le scientifique Thierry Tatoni (professeur à l’Université d’Aix-Marseille - chercheur écologue), et récolté déjà une belle récompense, le trophée RSE Paca 2012. Une approche de société à mission avant l’heure et sans le revendiquer. Oublié le vieil adage « pour vivre heureux, vivons caché », le changement de paradigme s’opère dans l’ouverture au monde associatif, à la population, y compris les scolaires pour une éducation à l’écologie dès le plus jeune âge, à la vie locale. La préservation de la ressource, l’exemplarité en matière de biodiversité autour des sites d’exploitation, la réflexion poussée sur la « carrière idéale », des conférences, débats et autres rendez-vous de développement durable n’ont cessé depuis de circuler. Une action dans le Var, où le terrain de jeu est vaste à la faveur de la dizaine d’implantations de Someca, dont 5 carrières classées, mais aussi une bonne parole portée sur le plan régional et national, dans une démarche de co-construction de la transition.
Etre le premier acteur de l’acte de bâtir est pensé globalement comme une responsabilité par Frédéric Soulié, et non plus seulement un business, considérant économie et écologie avec une exigence décarbonée chevillée au corps. Projection bien ordonnée commençant par soi-même, RSE, qualité de vie et des conditions de travail font également bon ménage en interne, avec un attachement à l’humain correspondant à l’ADN « maison ». « Ecoute de chacun et du collectif contribuent au vivre ensemble », selon ses préceptes jamais très éloignés du rugby.
Sens de l’engagement
La prise de fonction directionnelle au sein de Someca est aussi le point de départ de ses engagements dans des mandats de vie publique. A l’Unicem Paca Corse, il occupe la présidence de la commission sociale en 2014, puis celle du collège granulats en 2017, et, depuis 2020, la présidence de cette fédération de professionnels (455 établissements, 4 000 emplois directs, 12 000 emplois induits, 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires…). Il entre à la CCI du Var pour un premier mandat en 2016, renouvelé en 2020. La même année, il accepte la présidence du conseil de développement de Dracénie Provence Verdon agglomération, entre au conseil d’administration de l’Union Patronale du Var et au bureau de sa délégation de Brignoles et du Centre Var. Tout ceci s’inscrit « dans le droit-fil de l’activité d’un des plus gros secteurs économiques de la région, afin de défendre la profession, dans l’envie aussi de m’impliquer sur mon territoire. J’aime le Var, j’aime Trans-en-Provence où j’habite depuis 2001, j’aime ses alentours et je n’oublierai jamais la façon chaleureuse dont nous avons été accueillis ».
Même si elle n’est pas finie, sa carrière personnelle a-t-elle été idéale à ses yeux, bleus comme un ciel du Sud (Sud-Est comme Sud-Ouest, ses deux patries) ? Au regard de son parcours exceptionnel depuis son départ de la ferme, Frédéric Soulié est avant tout fier du sillon qu’il a tracé, en conservant ses racines. Sans complexe, il avoue imaginer parfois qu’il aurait peut-être pu être entrepreneur tout seul s’il avait cru en lui dès le départ. Une façon de marquer son « plus grand respect pour celles et ceux qui créent leur propre affaire ». La terre est lourde d’enseignement. Elle apprend la modestie…


Parcours, portraits, sens de l’engagement des mandataires et personnes impliquées dans la vie publique varoise, enrichis de mises à l’honneur de femmes « influentes ».