C’est l’histoire d’un « territoire de nature et d’esprit », selon le célèbre paysagiste Gilles Clément qui a façonné et sanctuarisé le Domaine du Rayol depuis son rachat en 1989 par le Conservatoire du Littoral. Une démarche exemplaire pour un voyage sans frontière.
« Le Domaine du Rayol est un jardin où la mise en scène des paysages n’est pas considérée comme une fin en soi, mais comme un moyen de rendre intelligible la complexité du vivant ». Ce préambule du paysagiste Gilles Clément à la pédagogie des lieux résume son concept de jardin planétaire aux multiples voyages, entre nature et culture, dans des paysages méditerranéens proches et lointains, et en son for intérieur par l’état d’esprit qui s’insinue au gré des cheminements. Sur les 20 hectares qui tombaient en désuétude, sauvés par le rachat du Conservatoire du littoral en 1989, ce jardinier, ingénieur horticole et paysagiste de génie, a eu carte blanche pour aménager 7 hectares et les ouvrir à la visite, permettant de découvrir les milieux de climat méditerranéen du monde, dans notre bassin bien entendu, mais aussi en Australie du Sud et du Sud-Ouest, le long des côtes de Californie, de celles du Chili, au Sud-Ouest de l’Afrique du Sud. En fait, la biodiversité des régions méditerranéennes est remarquable, contenant 20% de la richesse spécifique végétale (plus de 26 000 espèces endémiques), tout en couvrant seulement 2% des terres immergées.
Un lieu de vie
Au Domaine du Rayol, quelque 90 000 visiteurs viennent toute l’année, sauf le 25 décembre, faire ce tour du monde unique des plantes et de leurs secrets, mais aussi assister aux nombreux événements in situ, au fil des saisons. Visites thématiques, expositions, rendez-vous aux jardins, fêtes de plantes, journées portes ouvertes et du patrimoine, découverte de sentiers marins (14 hectares en mer), accueil de groupes scolaires, formations (certifiées Qualiopi) à destination des professionnels et des particuliers autour des plantes et jardins, les opportunités ne manquent pas.
Entre autres activités, il y a également les soirées romantiques, concerts de musique classique autour de virtuoses du piano, face à la mer qui berce les silences par le clapotis de ses vagues, le lundi soir de mi-juillet à mi-août. Pour la première fois cette année, Nathalie Stutzmann, cheffe d’orchestre française, directrice musicale de l’orchestre symphonique d’Atlanta et résidente secondaire dans ce petit coin de paradis varois, prend la direction du festival, 31e du nom, et de sa programmation, pour la plus grande joie des mélomanes, dont la directrice depuis janvier du Domaine, Sybille Bernard. « C’est un grand honneur et une signature internationale de prestige », se réjouit-elle. « Ici, ce n’est pas qu’un jardin, c’est un lieu de vie, d’expérimentations scientifiques croisées avec des instituts et laboratoires, de compréhension des changements de la nature liés au réchauffement climatique, à la raréfaction de l’eau, de travaux sur les espèces, les plantes, leur langage, leur sensibilité aux éléments. La nôtre est mise en éveil et en partage, y compris par musique ».
Problématiques d’entreprise
Issue à la faveur de ses expériences professionnelles du milieu entrepreneurial puis de la sphère associative de solidarité, Sybille Bernard se sent parfaitement dans son élément, justement, à la tête de l’association du Domaine du Rayol, présidée par André Del Monte, personnalité locale. « Une association, certes, mais qui a toutes les problématiques d’une PME. Nous sommes 33 personnes exerçant 14 métiers, dont 7 au Café des jardiniers (12 en été) qui propose de la cuisine en circuits courts, en particulier avec les légumes du jardin. Nous avons les visiteurs à gérer, en l’occurrence 1,8 million depuis 35 ans…, mais aussi les nombreux événements à organiser. Sans oublier la librairie, les shootings photos et autres tournages de clips de vedettes compte tenu de la beauté et de la diversité des lieux, les séminaires d’entreprises dans nos différentes bâtisses, beaucoup de partenariats aussi (parc national de Port Cros, conservatoire botanique de Porquerolles, Musée des sciences naturelles de Toulon, école Sea Tech de l’Université de Toulon…) ». Le tout représentant 2,7 millions d’euros de budget, dont 85% d’autofinancement.
L’objectif est de l’augmenter car la participation des collectivités qui soutiennent le Domaine (Région, Département, Communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez, Etat, la commune du Rayol-Canadel…) peut-être aléatoire, surtout par les temps qui courent de coupes financières publiques.
Des projets qui font sens
En outre, les mécènes jouent un rôle historique essentiel pour la rénovation des bâtiments, à savoir la Villa Rayolet, le Bastidon, la Maison de la Plage, l’Hôtel de la mer, les aménagements de sentiers, les soutiens à des recherches, expositions, événements... Les fondations Total Energies, Gecina, Crédit Agricole, Axa et Botanic, mais aussi Plastic Omnium, Mouvements et Paysages, le groupe Walden, Le Petit Marseillais, Colam Initiatives, ou encore des mécènes privés comme la famille Potez (ex-propriétaires), ont fait ou font partie des généreux donateurs.
Ils sont invités à poursuivre, et d’autres à les rejoindre (avec les réductions d’impôts, 60% pour les entreprises et 66% pour les particuliers, inhérentes aux structures reconnues d’intérêt général). Parmi les projets envisagés, celui de galerie botanique immersive à vocation éducative, qui nécessite de lever 400 000 euros ; l’investissement dans un broyeur de déchets végétaux (200 000 euros), ce qui faciliterait conjointement le recyclage plutôt que tout brûler (une économie environnementale et de dépenses à laquelle tient beaucoup l’équipe de direction) ; une installation de résidence en arts et sciences naturelles (25 000 euros) portant sur l’univers du vivant ; des missions d’inventaires de sa biodiversité pour une meilleure valorisation… « Tout ceci fait sens au Domaine du Rayol, nous aidons à mieux faire connaître pour mieux préserver ! », confie Sybille Bernard.
Au jardin cultivé, dans le maquis, en mer, l’écologie humaniste est dans son… Domaine.
Il pousse plus de choses dans un jardin que ne sème le jardinier
Destin exceptionnel
En un peu plus d’un siècle d’histoire, le destin du Domaine du Rayol est marqué par l’exceptionnel. Fondé en 1909 par l’homme d’affaires Alfred Courmes, il conserve de sa première époque un patrimoine bâti et architectural hors du commun. A partir de 1940 et durant la guerre, le Domaine est le théâtre de jeu du jeune Jacques Chirac, futur Président de la République, dont le père, Abel Chirac, est le directeur financier du nouveau propriétaire, l’industriel aéronautique Henry Potez. Enfin, depuis 1989 il appartient au Conservatoire du littoral qui a donné un feu « vert » au célèbre paysagiste Gilles Clément pour imaginer un lieu de référence et poser son regard d’expert sur les rapports de l’homme et de la nature. L’âme de ce jardin extraordinaire, labellisé remarquable en décembre 2007, semble universelle.
QVT, santé, RSE, économie circulaire, culture…, autant de sujets potentiels, aux côtés de l’actualité d’Enosys, service UPV d’assistantes sociales et de psychologues du travail.